Cinquième volet du retour sur la Coupe du monde disputée en Afrique du Sud. Après le triomphe espagnol, les déboires de l’arbitrage, la catastrophe française et la satisfaction allemande, arrêtons-nous un instant sur la déception argentine, gommée sous l’effet sacré de son sélectionneur : Diego Maradona.
Diego Armando Maradona, quinquagénaire dans trois mois, appartient à une espèce en voie de disparition : c’est un dieu vivant. En Argentine, « El Pibe de Oro » bénéficie en effet d’un statut et d’une aura qui dépassent l’entendement. Quelque chose entre l’irrationnel et le sacré que même Pelé jalouse.
Comment expliquer autrement la liesse générée par le retour de l’« Albiceleste » à Buenos Aires, quelques heures après sa déroute en quart-de-finale de la coupe du monde face à l’Allemagne (0-4) ?
Présentée par beaucoup comme le principal rival de l’Espagne dans la compétition, au regard notamment de sa formidable armada offensive, l’Argentine a subi une cuisante défaite, de celles qui rougissent tellement le fessier qu’on tarde généralement à s’en remettre.
En l’espèce, ce ne fut donc pas le cas. Pire, Maradona fut dans un premier temps sollicité pour renouveler son mandat par des joueurs et tout un peuple qui le vénèrent. Il ne serait donc pour rien dans cet échec ?
Les limites de la dynamique de groupe
Lorsque Maradona s’exprime, Messi, qui est à peine plus grand, fait encore plus petit. Ce raccourci suffit à définir le charisme dont doit jouir le Dieu argentin à main voleuse auprès de son équipe. Débordant d’enthousiasme, embrassant à tour de bras staff et joueurs, il transmet naturellement toute sa verve à ceux qui l’entourent.
Pour sa part, le dernier Ballon d’Or France-Football, longtemps incapable de reproduire en sélection ce qu’il démontrait chaque week-end avec le Barça, semblait, depuis quelques mois, prendre l’envol attendu avec le maillot ciel et blanc, de sorte que cette coupe du monde sentait bon le Messi-show.
Malheureusement, malgré une bonne volonté évidente, Lionel Messi a traversé cette coupe du monde en alternant le bon et le moyen, ce qui reste infiniment en-dessous ce qu’il aurait pu et dû apporter à son équipe. Est-ce lui le coupable ?
A voir ses nombreux efforts, désordonnées et vains contre l’Allemagne, on répondra par la négative. Jamais en effet l’Argentine n’a montré un liant collectif susceptible d’éroder le bel édifice allemand. Lente et naïve défensivement, elle a fini par prendre l’eau pour récolter la gifle qu’on connaît. Maradona a donc perdu par K.O. son combat contre Joachim Löw, son homologue allemand.
La morale de cette histoire est qu’il ne suffit pas d’avoir été parmi les plus grands (voire pour certains le plus grand), pour transmettre à ses joueurs, eux-mêmes parmi les tous meilleurs, son talent et son instinct.
Au plus haut niveau, la dynamique de groupe, si elle est essentielle, doit évidemment s’accompagner d’un schéma de jeu précis et cohérent. Or le schéma argentin n’est jamais véritablement apparu comme tel durant cette coupe du monde.
Dans ces conditions, le talent individuel de certains joueurs a longtemps fait illusion, principalement le trio Messi-Higuain-Tévez. Mais ce qui pouvait encore passer avec le Mexique a volé en éclats face à un bloc compact et talentueux comme la Mannschaft.
Milito perd le Ballon d’Or
Parmi les nombreuses erreurs de Maradona, les plus marquantes sont le choix de désertifier le milieu de terrain de joueurs relayeurs et celui de se passer du meilleur joueur de la planète du printemps : Diego Milito.
Javier Mascherano est un excellent joueur. Mais à l’instar de Toulalan, Khedira, Busquets ou d’autres, ses qualités physiques et techniques ne le désignent pas comme le dépositaire du jeu de son équipe. Il « travaille » beaucoup, perd assez peu de ballons dans la relance, mais il lui est difficile de récupérer le ballon, le porter vers l’avant, voire de faire la passe qui fera la différence. Pour résumer, il ne peut pas tout faire.
C’est pourtant ce que le milieu de terrain argentin lui laissait comme perspective durant ce Mondial. Car on attend encore les relayeurs… Trop excentrés, Di Maria et Maxi Rodriguez ont déçu, d’autant que le ballon était systématiquement aspiré par Messi à l’approche des trente mètres.
On attendait Cambiasso, époustouflant avec l’Inter cette saison, on a eu Veron ; un match, le premier, contre le Nigéria. Après plus rien. Sans lien entre la défense et l’attaque, l’Argentine a joué coupée en deux et l’Allemagne s’est bien amusée en dansant entre ses lignes. Le résultat final est sévère mais implacable.
L’autre incroyable raté de Maradona est d’avoir choisi de visser Diego Milito sur le banc. On peut prendre le problème dans tous les sens, son absence systématique, à l’exception du match des « coiffeurs » contre la Grèce (l’Argentine était déjà qualifiée après ses deux premières victoires en poule), paraît insensée.
L’attaquant de l’Inter Milan marchait pourtant sur l’eau au printemps. Sa confiance était telle qu’il aurait tétanisé à lui tout seul ses adversaires et notamment ceux du Bayern Munich, qu’il avait terrassé un mois plus tôt en finale de la Ligue des champions (victoire 2-0 de l’Inter avec un doublé de l’attaquant argentin).
Maradona a motivé sa décision par son choix de lui préférer Higuain et Tévez. Pourquoi pas, mais de là à ne pas l’utiliser contre l’Allemagne... Quel gâchis !
Dans l’affaire, sur un plan purement personnel, Diego Milito a d’ailleurs perdu beaucoup plus que son temps en Afrique du Sud. Il a aussi abandonné toute chance de décrocher le premier Ballon d’Or FIFA France Football en fin d’année. En tête de la course début juin, après le fabuleux triplé de l’Inter Milan (Calcio, Coupe d’Italie et Ligue des Champions) dans lequel ses buts firent de lui l’attaquant providentiel des Nerazzurri, il est désormais largué derrière Xavi et les autres, sans le moindre espoir de rattraper le terrain perdu.
Finalement, Diego Armando Maradona ne restera pas à la tête de l’Albiceleste. N’acceptant pas les conditions fixées par la fédération argentine de football (maintien sous réserve du remplacement de ses adjoints dans le staff), il a été évincé officiellement de la sélection mardi dernier.
Franchement, il n’est pas sûr que ce soit exactement une mauvaise nouvelle pour l’Argentine, qui accueillera la prochaine Copa America en juillet 2011. L’enthousiasme communicatif généré par sa présence était un formidable atout mais il demeure insuffisant pour gagner une grande compétition.
Diego fut un joueur d’exception, un génie. Au terme de cette coupe du monde, ce n’est pas le premier qualificatif qui vient à l’esprit quant à son métier de sélectionneur.
- Charelca -